En savoir plus sur les ruptures de pattern
Dans cette publication, nous allons nous intéresser aux ruptures de pattern, qui sont des techniques rapides, fréquemment usitées lors des spectacles d’hypnose.
Qu’est-ce qu’un pattern ?
Au sens littéral, le mot pattern provient de l’anglais et signifie "modèle", "patron" ; le terme étant d’ailleurs utilisé pour faire référence à un patron de couture.
D’un point de vue de la psychologie, il fait référence à des schémas répétitifs qu’une personne ou un groupe de personnes adoptent dans une situation donnée. En effet, l’individu exécute régulièrement dans sa vie bon nombre d’actions sous la forme de réflexes automatisés, qui sont le reflet de ses gestes habituels.
C’est le cas par exemple lorsque quelqu’un nous est présenté pour la première fois, où une séquence réflexe s’engage : on offre une poignée de main en signe de bienvenue, illustrée par un sourire et un message de bienvenue type " - Bonjour, ravi de vous rencontrer ! " et l’on s’attend sans réfléchir à ce que la personne en face agisse de même.
Comprendre l’approche
L’idée des inductions, dites par la fission d’un réflexe entier, consiste précisément à introduire une rupture dans un de ces modèles habituels (d’où les termes d’interruption ou rupture de pattern), pour favoriser une confusion que le praticien pourra exploiter pour réaliser une induction rapide.
En effet, en reprenant l’exemple de la poignée de main, supposez cette fois-ci qu’au moment où vous tendez votre main vers votre interlocuteur, celui-ci, faisant d’abord mine d’approcher la sienne, la retire brusquement : vous êtes surpris et interloqué. Son geste a provoqué une brisure, une incohérence dans le modèle pré-établi de la poignée de main.
Cet instant précis de surprise ouvre une fenêtre privilégiée sur la part profonde du psychisme de l’individu, qui momentanément devient plus ouvertement suggestible car sa confusion fait qu’il ne raisonne pas l’information qui pourrait lui être proposée ; ainsi désorienté, il devient susceptible de se raccrocher à une alternative qui lui serait proposée, lui octroyant un sentiment de sécurité.
C’est précisément cette alternative que le praticien va suggérer : en saisissant cet instant de désorientation, il devient pour le sujet un pilier auquel se raccrocher : il va accompagner la personne à entrer en état d’hypnose rapidement, qui tendra à l’accepter car sa part profonde verra dans la voix du praticien celle d’un guide rassurant la sortant d’un sentiment de confusion et d’insécurité ; l’action du praticien devant de ce fait, être parfaitement synchronisée avec le moment de surprise.
Milton Erickson, pionnier de l’hypnose moderne, expérimente en partie ces approches, dans lesquelles il voit un intérêt pour œuvrer avec les personnes susceptibles de trop conscientiser ses paroles lorsqu’il tente de les accompagner à entrer en état d’hypnose ; l’usage de la surprise présentant effectivement l’avantage de court-circuiter l’intellect.
Une approche controversée
Le processus n’en demeure pas moins sujet à controverse pour plusieurs raisons :
Tout d’abord, si l’hypnose est un état parfaitement naturel, que tout un chacun expérimente plusieurs fois par jour et qu’il connaît aussi bien durant la phase d’endormissement le soir que durant la phase de sommeil paradoxal lorsqu’il rêve la nuit, cet état n’apparaît jamais de façon brutale, mais toujours progressive.
Ainsi en est-il lors d’un phénomène d’absorption comme par exemple lorsque la personne regarde la télévision, puis se laisse progressivement aller à fermer les yeux et à des absences au sein desquelles elle s’évade dans les méandres de son imagination tout en continuant de demeurer pleinement consciente de l’endroit où elle se trouve, de l’activité qu’elle est entrain de pratiquer et de ce qui se produit autour d’elle.
Les techniques d’induction utilisant les ruptures de pattern agissent à la manière d’un " forçage ", provoquant un changement abrupt de la fréquence d’activité cérébrale de la personne, qui peut passer d’un état caractéristique d’activité tournée vers l’extérieur (ondes bêta) à un état d’hypnose très profond en un clin d’œil (ondes alpha basses) selon son degré de sensibilité.
La question de l’impact neurologique de telles méthodes, n’allant pas dans le mouvement de la nature, est à notre sens, ouverte, qui plus est, lorsqu’elles sont pratiquées à répétition sur un même individu, comme c’est fréquemment le cas lors des spectacles d’hypnose.
A cet effet, il est souhaitable que les expériences réalisées sur le sujet par Milton Erickson ne servent pas de caution à tous les débordements que nous pouvons observer aujourd’hui. En effet, Erickson est psychiatre de formation, et même s’il est en recherche, choisit avec discernement les profils auxquels s’adressent ses expérimentations : ceci ne saurait être le cas d’un néophyte œuvrant dans la rue ou sur une scène sur tout un chacun en appliquant une technique apprise en quelques minutes ou heures dont il ne perçoit que le résultat final " hypnose rapide et impressionnante ", vraisemblablement sans en saisir pleinement le mécanisme ni s’interroger sur ses impacts éventuels.
La deuxième chose à prendre en compte, concerne précisément ces changements abrupts de fréquence cérébrale susceptibles d’advenir chez l’individu.
L’observation montre que bien souvent, ils sont le reflet d’une pathologie dont voici quelques exemples :
- L’épilepsie, dont les crises interviennent précisément lorsque le cerveau change brutalement de fréquence suite à un stimulus (à la vue d’un stroboscope, par exemple).
- La narcolepsie, pathologie touchant les rythmes circadiens, où la personne peut spontanément s’endormir à n’importe quel moment, comme au cours d’une conversation mobilisant pleinement ses facultés cognitives.
- Certaines psychoses enfin, qui représentent les cas les plus graves, dont les variations soudaines des rythmes cérébraux de la personne constituent parfois une caractéristique.
Là encore, faut-il promouvoir la pratique d’outils présentant de telles analogies ?
L’usage des ruptures de pattern s’avère fortement déconseillé dans des cas tels que ceux cités ci-dessus : le praticien pouvant notamment prendre le risque de déclencher une crise d’épilepsie chez un sujet sensible, ce qui a malheureusement déjà été le cas à plusieurs reprises.
En conclusion…
Si les mécanismes usant des ruptures de pattern sont susceptibles de fonctionner de façon avérée chez bon nombre d’individus pour réaliser des hypnoses rapides, il serait vivement souhaitable que ces approches soient mieux étudiées d’un point de vue neurologique, afin de s’assurer qu’elles ne comportent aucun danger véritable pour l’individu qui les vit, et ce, avant d’en encourager la pratique, qui plus est lorsque celle-ci n’est pas réalisée par des professionnels de l’hypnose expérimentés.
Notre structure encourage donc à la vigilance sur ces pratiques et se refuse à en enseigner les approches, qui n’ont aucun intérêt thérapeutique au vu des outils dont dispose l’hypnose aujourd’hui et dont on ne saurait garantir pleinement l’écologie pour les sujets.